jeudi 20 octobre 2016

Extrait #4 L'inconnu au manteau noir

Durant son séjour à Tal, Ice apprend que le village vit sous le joug d'une bande de truand retranchée dans un fort abandonnée de la Forêt de Péridot. L'épéiste s'y infiltre et parvient à défaire leur chef : un inquiétant bouffon à moitié fou. Ce dernier commence à lui révéler qu'il a été employé par un mystérieux personnage à la recherche de quelque chose dans ces ruines. Quand soudain...

Un violent courant électrique traversa subitement le corps atterré du bouffon. L’homme hurlait à en percer des tympans, le corps étreint par les éclairs turquoises d’un carcan vibrant, assez violents pour éclairer l’ensemble du site et ses vestiges alentours.
L’orage se dissipa. Le chef des truands avait cessé ses soubresauts. La lumière d’or, encore visible il y a quelques instants au-dessus de sa blessure, s’était éteinte. Ice se tenait debout, désœuvré, l’odeur de chair brulée lui hantant les narines.
– C’est dingue ça… on te dit de la fermer et tu persistes à l’ouvrir…
Le garçon aux cheveux neige fit volte-face, la colère et l’effarement se lisait dans son regard. Il scruta de long en larges le groupe de bandits, tous craintifs, à la recherche de l’assassin derrière cette voix.
– Là-haut mon grand !
Ice leva la tête vers les vestiges d’une chapelle ravagée. Sous le pinacle ajouré, se silhouettait un long manteau noir, bruissant faiblement, dans le soupir du vent nocturne. Malgré le rideau d’ébène qui couvrait le ciel, ce sombre vêtement parvenait à contraster ses contours grâce à la couleur glauque qui les décorait. Cette teinte viride s’étendait des bords de la cape, aux ourlets des manches, jusqu’aux étranges runes qui chamarraient sa capuche. Il aurait fallu qu’une bourrasque soulève cette dernière, pour espérer entrevoir le visage qui se cachait dessous ; or la brise semblait s’essouffler.
L’homme se tenait assis en hauteur sur le bord du faîte, accoudé contre son genou, jambe croisée par-dessus l’autre. Un courant électrique parcourait encore la main gantée qu’il tendait en direction du feu bouffon. Ice dégaina sitôt son épée, et brandit sa pointe rutilante en direction de l’inconnu.
– Vous n’aviez pas le droit de faire ça ! Le sort de cet homme relevait du jugement de l’Égide !
– Le droit ? répéta l’inconnu d’une voix nonchalante. Sans rire ! Ça doit bien être pratique d’être membre de l’Égide… pouvoir décider de qui a le droit de vivre ou non…
– La peine de mort ne fait pas partie de nos sentences ! rétorqua le garçon.
– OK, donc le truc tranchant qui te sert à me menacer… c’est un outil de jardinage ?
Ice s’offusqua. Est-ce que cet assassin tentait de lui faire la morale ? Évidemment, l’ensemble des bandits appuyaient fougueusement les arguments de leur fameux employeur. Ces derniers commençaient même à se croire sortis d’affaire, malgré le meurtre de leur ancien leader. À bien y réfléchir, cela les soulageait d’autant plus.
- Mon arme n’a pas été forgée dans le but de tuer, mais de défendre quiconque est victime des criminels de votre espèce ! expliqua l’épéiste.
L’homme encapuchonné poussa un soupir excédé, avant de se relever peinardement et sans se soucier du vide qui s’étendait sous ses pieds.
– Y a rien à faire, dit-il en haussant les paumes, le courant passera jamais entre moi et les petits cons dans ton genre, qui brandissent partout leurs épées en se prenant pour des héros ou je ne sais quels foutus justiciers ! 
– Qui peut dire ce qui est juste ou non ?! répliqua Ice vertement en agitant son épée.
– Les cryiens et leur philosophie à la mie de pain, sans rire… Je vais te dire qui décide de la justice (il serra les poings, autour desquels jaillirent des gerbes d’éclairs) : ceux suffisamment puissants pour imposer la leur ! Observe !
L’inconnu leva un bras au ciel d’un geste brusque et menaçant. Le sourire jusqu’ici confiant des brigands s’effaça lentement, à mesure que se dessinait une intimidante raie lumineuse au-dessus de leurs têtes. L’atmosphère s’électrisait, zébrée par de petits arcs turquoise au fourmillement dissymétrique. Puis s’abattit le tonnerre, qui déferla depuis les airs en une véritable pluie d’éclairs. L’orage martelait le sol dans de violents flash aveuglants, mais la foudre avait beau craquer, frapper, gronder, éclater… elle ne put étouffer les hurlements éprouvants des vauriens.
Le calme finit par succéder à la tempête. Ice décroisa lentement les bras de devant son visage et contempla avec effroi tous ces corps jonchant l’herbe brulée autour de lui.
– Monstre ! il hurla à l’homme au lugubre manteau. Quoique tu puisses chercher à me prouver, prends-toi en à moi, pas à eux !
– Oh mais je vais m’en faire un plaisir… !
L’individu encapuchonné tendit de nouveau le bras, cette fois-ci en direction du jeune épéiste. Des arcs électriques zigzaguaient entre ses doigts. Ils convergèrent ensuite dans le creux de sa main, très violemment, au point d’y générer une véritable foudre en boule. Toutefois et contre toute attente, l’orbe vibrant n’eut point le temps d’atteindre sa cible, ni même de quitter la paume de l’inconnu. Il explosa d’abord, après avoir perdu sa lumière turquoise au profit d’un éclat violet. L’homme au manteau noir et glauque tituba deux pas en arrière dans un bref grognement. Il considéra le courant violâtre qui serpentait encore ses phalanges, puis il dit :
– Évidemment, j’aurais dû m’en douter…
Ice se trouvait cependant beaucoup trop bas pour avoir entendu cette réflexion, et restait confus quant à ce qu’il venait de se passer.
– On dirait que t’as du bol ! reprit l’inconnu en haussant la voix depuis le sommet des ruines. J’te fous la paix pour cette fois !
– Quoi… ? At… attends !
Le garçon brandit son trem tout en se ruant vers la chapelle. Hélas son ennemi se volatilisa sous le fracas d’un dernier éclair. Ice ralentit sa course, son appareil levé vers le sommet du bâtiment de nouveau désert.

– C’est quoi cette histoire…

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